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La Nouvelle-Calédonie ou le Caillou gaulois sur terrain de jeu anglo-américain (4/7)

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La Nouvelle-Calédonie est un archipel français situé en plein milieu du Pacifique Sud sur un terrain de jeu historiquement anglo-américain. La question de l’accession ou non à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie ne peut ignorer cet état de fait. En effet, ce territoire apparaît comme un caillou gaulois dans la chaussure des Américains. Au regard de cela, qu’en serait-il de lui s’il acquerrait sa souveraineté pleine et entière ? Il nous faut, pour répondre à cette question, s’intéresser à l’histoire ainsi qu’à la stratégie mises en œuvre, par les Américains, au sein de cette région du monde depuis 1945. Cela notamment en analysant la relation privilégiée qu’ont établie les États-Unis, avec le Japon. 

Le Pacifique dans le monde post-1945

A l'instar de l'Allemagne en Europe, le Japon joue le rôle de pièce maîtresse dans la stratégie américain au sein de l'Asie-Pacifique
Depuis 1945, le Japon est l’un des principaux alliés des Américains en région Asie Pacifique.

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne hitlérienne a subi d’importants bombardements de la part des Alliés. Quelques années plus tôt, elle était en passe d’imposer son hégémonie à la quasi-totalité du continent européen. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, celle-ci était à terre et nécessitait d’être reconstruite. En ce sens, son sort fut, toute proportion gardée, similaire à celui de son allié d’Extrême-Orient, l’Empire du Japon.

Aussi, l’Allemagne était-elle d’autant plus affaiblie, qu’elle fut divisée en deux entités politiquement distinctes. L’une fut rattachée au Bloc de l’Ouest, la République fédérale d’Allemagne (RFA). L’autre fut rattachée au Bloc de l’Est, la République démocratique allemande (RDA). Sur ce point, le sort du Reich déchu s’apparente à celui de la péninsule coréenne.

Les Américains démilitarisèrent ensuite la première puissance économique et militaire d’Europe continentale. Désormais, en grande partie grâce au Plan Marshall, les États-Unis se firent les arbitres des relations internationales au sein d’une Europe de l’Ouest en phase de reconstruction. L’Allemagne devint, de facto, leur principal allié en Europe.

Au sein du Pacifique, la stratégie américaine n’a été guère différente de celle appliquée en Europe. Le grand ennemi des États-Unis, le Japon, est devenu leur principal obligé. Puis, l’un de leur grand allié asiatique de 1939-1945, la Chine, est devenu leur grand ennemi. Ennemi grâce auquel les États-Unis justifièrent leur arbitrage au sein des relations internationales qui se jouaient au sein du Pacifique.

À l’ère de la révolution industrielle, au XIXe siècle, l’Empire du Japon et les États-Unis d’Amérique étaient deux concurrents économiques. Tous deux avaient l’ambition de conquérir le Pacifique, dans le but de trouver de nouveaux débouchés commerciaux. Les visées expansionnistes nipponnes poussèrent l’Empire du Japon à entrer en guerre contre la Chine, afin de lui arracher le contrôle plurimillénaire qu’elle exerçait sur la Corée. Victorieux, le Japon signa avec la Chine le traité du Shimonoseki, le 17 avril 1895. Désormais, la Corée, mais également Taïwan, tombèrent sous le contrôle du Japon. Ils le restèrent jusqu’en 1945.

Taïwan, en tant que colonie apparentée au territoire japonais, subit lui aussi d’importants bombardements de la part des Américains, en 1945. En effet, la colonisation japonaise avait accéléré le développement économico-technologique de ce territoire insulaire. Les Japonais, à l’instar de ce qu’ils firent en Corée, développèrent ce territoire afin de réaliser des profits servant, cependant, exclusivement les intérêts économiques de la métropole. Pour les Taïwanais, ce fut donc la double peine, voire même la triple peine. En effet, les Américains s’engagèrent, lors de la Conférence du Caire, à remettre Taïwan aux mains de la Chine de Mao. Cela, après l’avoir eux-mêmes bombardé. Ce qui fit régresser ce territoire de vingt ans en matière de développement.

Les Américains eux-mêmes n’ont jamais reconnu l’île de Taïwan en tant qu’État souverain ayant droit à un siège à l’Organisation des Nations unies (ONU). Cela, tout en se portant garant de la pérennisation de l’autonomie taïwanaise, face à l’affirmation militaire chinoise. Taïwan n’a donc eu d’autres choix que de nouer des relations privilégiées avec les États-Unis, afin de garantir sa sécurité. Relations qui le poussent aujourd’hui à sacrifier son monopole en matière de production de semi-conducteurs de haute qualité. En effet, TSMC a délocalisé une part importante de sa production aux États-Unis. Ce qui lui retire un atout redoutable au sein de l’économie mondialisée. En outre, il perd également une arme de dissuasion massive. En effet, face à une hypothétique invasion chinoise, le gouvernement de Taipei aurait pu appliquer la politique de la terre brûlée. 

La guerre américano-japonaise sur les eaux du Pacifique

L’armée américaine occupa le Japon de 1946 à 1952. Les Américains craignaient de voir le Japon tomber dans le rang des communistes. C’est ainsi qu’ils justifièrent leur mise sous tutelle du pays. Nous pouvons aisément douter du fait que les Américains eux-mêmes aient pu croire à la probabilité d’un tel phénomène. Dès 1868, avec la fin de l’ère de Tokugawa et le début de l’ère Meiji, le pays s’était pleinement ouvert aux influences occidentales.  En 1868, l’Empire du Japon avait clairement compris que ses structures économiques féodales l’enfermaient dans un schéma historiquement dépassé. C’est ainsi qu’il envoya de nombreux étudiants s’instruire en Occident.

Pour former ses marins aux techniques les plus développées, le Japon fit appel aux Britanniques. En matière de stratégie miliaire, ce fut sur les Prussiens que se jeta le dévolu japonais. En termes d’ingénierie, ils se tournèrent vers les Français. Finalement, pour les questions de gouvernance, il s’appuyèrent sur le modèle américain fondé sur l’équilibre des trois pouvoirs. Ainsi, la nation japonaise fut armée pour commencer à asseoir sa domination militaire et commerciale dans le Pacifique, à partir de 1931. Quant au modèle économico-politique chinois, les Japonais le voyaient comme l’exemple type à ne jamais suivre. La Chine étant tombée sous quasi-totale dépendance de l’étranger, consécutivement à sa défaite lors des guerres de l’opium.

En somme, historiquement parlant, même s’il était économiquement à terre à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon avait vécu, à l’instar d’autres nations occidentales, une révolution industrielle qui avait grandement bouleversé les mentalités sur les plans philosophique, politique et économique. Aucune des nations ayant connu ce phénomène n’a basculé au sein du Bloc de l’Est.

Le Japon, un « porte-avion américain » sur le Pacifique

En 1949, le Plan Dodge annula la dette de guerre du Japon, et assura sa stabilisation financière. Le reprise économique du Japon, à l’instar de celle de l’Europe de l’Ouest d’après-guerre, permit de faire du Japon, à la fois un nouveau débouché commercial et un allié durable. Face à la menace chinoise, les États-Unis étaient d’ailleurs les principaux garants de la sécurité de l’archipel nippon. Territoire qu’ils avaient eux-mêmes démilitarisé. À long terme, les entreprises américaines ont pu bénéficier des différents programmes de coopérations technologiques, entre les États-Unis et le Japon. Tout comme les Américains profitèrent des hautes connaissances technologiques de l’Allemagne nazie, en récupérant ses haut-cadres après la Seconde Guerre mondiale. La carrière menée par l’ingénieur allemand Werner von Braun auprès de la National Aeronautics and Space Administration (NASA) reste l’exemple à la fois le plus célèbre et le plus emblématique.

Au final, à l’instar de l’Allemagne de l’Ouest, le Japon a su, durant la Guerre froide,  profiter de la situation pour reconquérir économiquement le monde. Toutefois, démilitarisé, il est aujourd’hui l’un des principaux États d’Extrême-Orient sur lequel les États-Unis s’appuient pour renforcer leur présence dans cette zone géographique. En effet, en juin 2021, les installations militaires américaines au Japon s’élevaient à plus d’une centaine. Aujourd’hui encore, sous les apparences d’une renaissance nationaliste portée par feu Shinzō Abe, le Japon reste un État très étroitement aligné sur la politique américaine en Extrême-Orient. Guerriers économiques, qui, au temps de la Guerre froide, causait davantage de tort à l’Europe de l’Ouest et à l’Amérique du Nord qu’à l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), le Japon voit sa puissance économique entravée par une politique extérieure qui reste sous contrôle des Américains.

En avril 2024, le Premier ministre japonais Fumio Kishida et le président américain Joe Biden annonçaient un resserrement en matière de coopération, sur le plan défensif. Déjà, lors de la guerre de Corée, le Japon avait d’ailleurs servi de point d’approvisionnement aux Américains. La Corée, qui elle aussi, nous allons le voir, est une pièce maîtresse dans la stratégie américaine, au sein du Pacifique.

4/7

Sources

  • Bouissou, Jean-Marie, Le Japon, puissance mondiale, 1993, Fayard.
  • Hsiao-Feng Lee, Histoire de Taïwan, 2004, l’Harmattan.
  • Laïdi, Ali, Histoire mondiale de la guerre économique, 2016, Perrin
  • Reich, Robert, L’économie mondialisée, 1993, Éd. Dunod
  • Souyri, Pierre-François, Histoire du Japon des origines à nos jours, 2010, Tallandier

 

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Yoann Lusikila

Yoann Lusikila est diplômé de science politique à l'Université de Lausanne. Il s'est spécialement intéressé aux enjeux de sécurité internationale, et de guerres économiques, à l'aune de la globalisation économique.

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